SANTÉ
Publié le 29 octobre 2024
Thon en boîte : qu'est-ce que ce puissant neurotoxique qui s'accumule dans votre cerveau ?
INFORMATION
Mercure et Santé Publique : Révélations sur la Contamination du Thon en Europe
La récente enquête de l’organisation BLOOM a mis en évidence un problème de santé publique d’une ampleur alarmante : la présence systématique de mercure dans chaque boîte de thon testée en Europe. Sur 150 boîtes prélevées aléatoirement dans cinq pays européens, toutes ont révélé des traces de ce métal toxique. Le mercure est une substance hautement dangereuse classée par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) parmi les dix produits chimiques les plus préoccupants pour la santé publique mondiale. Sa toxicité est comparable à celle de substances comme l’amiante ou l’arsenic, en raison des effets graves qu’il peut provoquer, notamment sur le système nerveux.
Un neurotoxique omniprésent dans les boîtes de thon
L’ampleur de la contamination constatée par BLOOM met en lumière un risque sanitaire d’autant plus inquiétant que le thon est l’un des poissons les plus consommés en Europe. Si ce constat est déjà en soi alarmant, les résultats de l'enquête révèlent également une réalité plus sombre : des décennies de décisions politiques favorisant les intérêts économiques de la pêche industrielle au détriment de la santé des consommateurs. Depuis les années 1970, les autorités européennes, influencées par le lobby thonier, ont maintenu un seuil de mercure pour le thon trois fois supérieur à celui imposé à d'autres poissons, sans justification sanitaire valable. Cette politique permet de garantir la vente de thon malgré sa contamination.
La véritable nature du mercure : un poison redoutable
Les risques posés par le mercure dans l’alimentation ne sont plus à démontrer. En tant que neurotoxique puissant, le mercure se dépose dans le cerveau et affecte gravement le système nerveux, rendant son élimination difficile pour l’organisme humain. Depuis deux siècles, les émissions mondiales de mercure ont fortement augmenté, contaminant les océans, où ce métal se transforme en méthylmercure, sa forme la plus toxique. Les poissons, en particulier les prédateurs situés en haut de la chaîne alimentaire comme le thon, accumulent ce composé dangereux, qui finit par se retrouver dans les assiettes de millions de familles.
La France est l’un des plus gros consommateurs de thon en Europe, avec une consommation moyenne de 4,9 kg par personne par an. Si l’ingestion même modérée de méthylmercure représente un danger pour tous, les populations vulnérables, comme les femmes enceintes et les jeunes enfants, sont particulièrement exposées. En effet, le mercure affecte le développement cérébral des fœtus et des jeunes enfants, causant des troubles potentiels du développement cognitif et neurologique.
Des résultats choquants pour la santé publique
L’étude de BLOOM dévoile une contamination généralisée du thon en conserve en Europe. Sur les 148 boîtes testées, plus de la moitié dépassait la limite maximale de mercure établie pour les poissons, fixée à 0,3 mg/kg. L’exemple le plus préoccupant est celui d’une boîte de la marque Petit Navire, achetée en France, qui affichait une concentration de mercure de 3,9 mg/kg, soit treize fois plus élevée que la norme pour d'autres espèces. Cette découverte soulève la question de l’efficacité des contrôles sanitaires en Europe et met en lumière les dangers d’une consommation régulière de thon en conserve, d’autant plus que ces produits dépassant les normes ne sont pas retirés du marché.
La définition des seuils de mercure pour le thon semble répondre davantage aux intérêts économiques qu’à des préoccupations de santé publique. En analysant les documents des autorités sanitaires, BLOOM a constaté que les valeurs limites de mercure dans le thon ont été fixées pour permettre la vente de 95 % des stocks de thon, sans prendre en compte les risques pour les consommateurs. Cette tolérance trois fois supérieure à celle imposée pour des poissons moins contaminés, comme le cabillaud, n’a aucune justification médicale. En réalité, elle permet aux industriels de commercialiser des produits contaminés, en toute légalité.
L’influence du lobby thonier sur les organismes internationaux
L’enquête de BLOOM dévoile également l’emprise de l’industrie thonière sur les organisations internationales chargées de fixer les normes sanitaires, telles que la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) et l’OMS. Ces institutions, influentes dans la définition des réglementations européennes, comptent parmi leurs membres des représentants en conflit d’intérêts, liés au secteur de la pêche thonière. Le Codex Alimentarius, qui établit les normes alimentaires internationales, est lui aussi influencé par le lobby thonier, avec la présence active des grands industriels dans les délégations nationales.
L’étude pointe du doigt un autre acteur clé dans cette affaire : le comité européen SCoPAFF, responsable de la fixation des seuils de contaminants autorisés dans les aliments. Ce comité, composé de représentants des États membres de l’Union européenne, opère dans une opacité totale. La Commission européenne refuse de divulguer les noms de ses membres ou le détail de leurs échanges, et les rares contrôles effectués dans la chaîne de production de thon sont basés sur ces normes sanitaires controversées. Aux Seychelles, centre de la pêche thonière pour l’Europe, seulement une dizaine de tests sont réalisés annuellement pour garantir la conformité de millions de kilos de thon exportés vers l’UE.
Des contrôles insuffisants pour assurer la sécurité des consommateurs
En Europe, la réglementation prévoit des tests sporadiques sur le thon importé, mais ceux-ci sont si rares et ciblés qu’ils ne permettent pas de dresser un tableau représentatif des niveaux réels de contamination. La France, par exemple, n’a prévu aucun contrôle sur les conserves de thon depuis 2023, tandis que moins de cinquante thons frais ont été analysés. Ces tests, fondés sur une norme élevée pour limiter les cas de non-conformité, masquent l’ampleur réelle de la contamination et donnent une fausse impression de sécurité au consommateur.
Un appel à la transparence et à la régulation
La série d’enquêtes "TunaGate" menée par BLOOM, dont fait partie cette analyse, met en lumière une criminalité écologique au sein de l'industrie thonière ainsi que des violations des droits humains. La réglementation actuelle semble impuissante face à l’influence des lobbies, laissant des millions de consommateurs exposés aux risques sanitaires liés à une contamination massive au mercure. BLOOM appelle à une prise de conscience de la part des autorités publiques et réclame des mesures urgentes pour garantir la santé des populations et la transparence des normes.
Cette enquête révèle l’urgence de revoir les normes de mercure dans le thon, de renforcer les contrôles et de restaurer la confiance des citoyens envers les institutions sanitaires. Une réglementation plus stricte et des contrôles transparents sont essentiels pour prévenir une crise de santé publique d’une ampleur dévastatrice.
Par Tony Houdeville