L'Actu Citoyenne

Ce journaliste belge fait bégayer Géraldine Maillet à propos de TPMP


SOCIAL | Publié le 17 octobre 2024


OPINION

L'influence croissante de l'extrême droite sous le regard complaisant des médias de Bolloré

Ce lundi 14 octobre, lors de l'émission "Bonsoir en prime" diffusée sur la chaîne belge LN24, le journaliste Jim Nejman a livré une intervention saisissante face à Géraldine Maillet, chroniqueuse de "Touche Pas à Mon Poste" (TPMP), programme phare de C8, chaîne appartenant au groupe Bolloré. Ce qui devait être une discussion sur le dernier ouvrage de Maillet s'est transformé en un échange sur la place préoccupante accordée à l'extrême droite dans les médias français, en particulier ceux détenus par Vincent Bolloré.

Dès le début, Jim Nejman a clairement exprimé ses réserves sur le rôle que jouent certaines chaînes de télévision dans la diffusion et la normalisation des idées d'extrême droite. La confrontation avec Maillet a pris une tournure symbolique, opposant deux visions du journalisme : celle d’une liberté d'expression sans limites prônée par TPMP et ses chroniqueurs, et celle d'une responsabilité éditoriale stricte défendue par Jim Nejman. Ce dernier a dénoncé avec force la proximité idéologique entre les médias de Bolloré et les discours d'extrême droite, jetant un éclairage sur les dérives d'un certain paysage audiovisuel français.

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Le faux débat de la pluralité des opinions : un paravent pour les idées extrêmes

Lors de cette entrevue, Géraldine Maillet a défendu l'idée que tous les points de vue, y compris ceux de l'extrême droite, devraient pouvoir s'exprimer librement dans l'espace médiatique. Selon elle, cette approche favoriserait la diversité des opinions et éviterait de victimiser certaines idées en les censurant. C'est une position que l'on retrouve souvent dans les médias de Bolloré, qui se revendiquent comme les défenseurs d'une parole libre et décomplexée.

Cependant, Jim Nejman a fermement rejeté cette vision, expliquant que donner une tribune à des opinions extrêmes n'est jamais anodin. Pour lui, les médias ont une responsabilité immense dans la construction du débat public, et accorder de la visibilité à des discours racistes, xénophobes ou populistes contribue à leur légitimation. En Belgique francophone, le concept de "cordon sanitaire médiatique" a été instauré précisément pour éviter ce type de dérive, empêchant ainsi la banalisation des discours haineux. "En Wallonie, nous avons choisi de ne pas offrir de plateforme médiatique aux partis d'extrême droite, et grâce à cela, ils n'ont pratiquement aucune influence dans notre paysage politique", a expliqué Jim Nejman, tout en soulignant qu'en Flandre, où ce cordon sanitaire n'existe pas, l'extrême droite est bien plus présente.

Le groupe Bolloré : un soutien implicite à la normalisation de l'extrême droite

Le débat a pris une dimension encore plus directe lorsque Jim Nejman a pointé du doigt le rôle du groupe Bolloré, propriétaire de C8, la chaîne qui diffuse TPMP. Il a accusé ces médias d'œuvrer à la banalisation des idées d'extrême droite en leur offrant des tribunes régulières, que ce soit à travers des chroniques ou des débats faussement équilibrés. Cette stratégie de normalisation passe par l'invitation récurrente de figures politiques controversées, dont certaines ont été condamnées pour racisme, ou par la diffusion de discours qui flirtent ouvertement avec des idées extrêmes.

Vincent Bolloré, en tant que magnat des médias, a réussi à étendre son influence sur une partie importante du paysage audiovisuel français. Par le biais de ses chaînes, il façonne le contenu éditorial et impose une ligne idéologique qui se rapproche de celle de l'extrême droite, tout en se cachant derrière l'argument fallacieux de la pluralité des opinions. Cette manœuvre permet de légitimer des discours qui, ailleurs, seraient encadrés, voire interdits. En réalité, il ne s'agit pas de promouvoir le débat, mais de créer un climat favorable à la diffusion d'idées qui divisent et polarisent.

TPMP : une émission devenue le porte-voix des idées controversées

"Touche Pas à Mon Poste" est peut-être l'exemple le plus visible de cette dérive. Initialement axée sur le divertissement, l'émission a progressivement intégré des segments de débat politique où se côtoient chroniqueurs et invités controversés. Pour beaucoup, TPMP n'est plus simplement un programme de divertissement, mais une plateforme où l'extrême droite peut s'exprimer librement, en bénéficiant de la popularité et de la large audience de l'émission. Cette évolution s'inscrit dans une stratégie plus large où le spectacle et la provocation prennent le pas sur la qualité du débat.

Jim Nejman n'a pas hésité à pointer cette contradiction en soulignant que donner la parole à des opinions problématiques n'est pas synonyme de liberté d'expression, mais plutôt de complaisance. "La liberté d'expression ne doit pas être un prétexte pour encourager la haine et la division au sein de la société", a-t-il rappelé à Maillet, mettant ainsi en avant la nécessité d'un encadrement strict des discours extrémistes. Cette remarque a mis en lumière le dilemme éthique auquel sont confrontés les médias : jusqu'où peut-on aller au nom de la liberté d'expression sans trahir sa responsabilité sociétale ?

Les conséquences dangereuses de la normalisation des discours d'extrême droite

L'absence de cordon sanitaire en France et la visibilité croissante de l'extrême droite sur les chaînes de Bolloré ont des répercussions directes sur le climat politique et social. En donnant la parole à des figures politiques extrêmes, les médias de Bolloré contribuent à la banalisation de discours qui devraient être marginalisés. Ils offrent une vitrine à des idées qui jouent sur les peurs et la division, et qui, à force d'être répétées, finissent par devenir acceptables aux yeux d'une partie du public.

Cette stratégie est d'autant plus dangereuse qu'elle influence la perception du public sur des sujets sensibles comme l'immigration, la sécurité, ou encore la souveraineté nationale. Elle permet aux partis d'extrême droite de gagner en visibilité et en légitimité, ce qui peut se traduire par une augmentation de leur influence politique. Cette montée en puissance est en partie le résultat de la politique éditoriale des médias de Bolloré, qui utilisent la provocation et le choc pour capter l'attention et fidéliser leur audience.

Le choix de la responsabilité : une nécessité pour les médias

L'intervention de Jim Nejman lors de cette émission de LN24 rappelle que la liberté d'expression ne doit pas devenir un cheval de Troie pour la diffusion d'idées extrémistes. La responsabilité des médias est immense et implique de décider ce qui mérite d'être diffusé. En Belgique francophone, le cordon sanitaire médiatique a prouvé qu'il est possible de limiter la propagation de discours haineux sans restreindre la liberté de parole, en favorisant un débat respectueux et constructif.

Il est temps que les médias français, et notamment ceux détenus par Bolloré, prennent exemple sur cette pratique. La complaisance à l'égard des idées extrémistes n'est pas une preuve de pluralisme, mais un manquement grave à la déontologie journalistique. Les chaînes de télévision ont le pouvoir d'influencer les opinions publiques, et elles doivent exercer ce pouvoir avec discernement et responsabilité.

Un appel à un retour à l'éthique journalistique

L'échange entre Jim Nejman et Géraldine Maillet n'était pas seulement un débat entre deux personnalités, mais un reflet d'une bataille plus large sur la place de l'extrême droite dans les médias. Alors que certains, comme Bolloré, choisissent de courtiser cette frange pour attirer un public plus large et plus sensationnaliste, d'autres, à l'instar de Nejman, rappellent que le journalisme a pour mission de défendre les valeurs démocratiques et de lutter contre la propagation de la haine.

Il est urgent de se poser les bonnes questions : quel type de société voulons-nous construire et quel rôle les médias doivent-ils jouer pour y parvenir ? La normalisation de l'extrême droite par les médias de Bolloré n'est pas une fatalité, mais un choix éditorial contestable qui doit être remis en cause pour préserver la qualité du débat démocratique.

Par Tony Houdeville